Interview d’Alain, un ovni du jardinage, puisqu’il distribue des lots de graines avec modestie au prix d’incroyables efforts et d’une organisation époustouflante. Virtuose de la brouette hamac, Alain est aussi un poète cuisinier, car il compose et partage des
idées de recettes qui mettent la messe en latin à bien des chefs étoilés.
Le paradis c’est contagieux…
Si la biodiversité étaient un crime, peut-on dire que tu es un grainetier
de masse, ou un semeur en série lol ?
Je ne suis ni grainetier de masse, ni semeur en série. Je m’efforce de jardiner le plus possible en respectant la nature et ce qui la caractérise : la biodiversité. Beaucoup de graines que je donne sont issues de plantes spontanées ou que j’ai importées qui se plaisent dans mon jardin .
Tu peux nous rappeler le process de récolte des graines, de répartition et de conditionnement ? Cela doit t’occuper des centaines d’heures ! Quelles graines sont les plus dures à manipuler ? Coquelicots ?
Oui , la récolte, le séchage, l’extraction, le tri, le nettoyage, le stockage, l’ensachage, impliquent de nombreuses heures de travail impossibles à évaluer avec précision. Je me suis amusé à déterminer le temps approximatif à consacrer à l’ensachage et la confection d’un lot composé de 64 sachets.
C’est environ 1 heure. Le coquelicot ne me pose aucun problème sauf que parfois il reste un peu de poussière. Le dernier problème que j’ai rencontré c’est avec la tanaisie ou j’ai des difficultés pour isoler les graines.
Par quels déclics successifs tu es rentré dans l’univers du troc, don, échange de ces graines rares, et même ce concept de drive pour prendre les plants ? Ce ne sont pas des inventions de ta part, mais tu sembles un bon exemple de puriste dans l’intention et radical dans tes collections. Est-ce une sorte d’addiction une fois qu’on est embarqué dans l’histoire ?
Lorsqu’en février 2000 j’ai arrêté la vie professionnelle, c’était avec l’intention de ne plus rien faire qui me rappelle le « bureau ». La décongestion a duré jusqu’en 2006 . Je me suis inscrit sur aujardin le 2 janvier 2007 afin de réaliser des échanges de graines, puis sur graines et plantes en 2009 . Mais très vite, je suis passé aux dons car déjà j’arrivais à produire dans les 2000 sachets par saison. Cette allure de croisière a duré 8 ans. Ensuite je suis monté en puissance pour arriver au sommet d’aujourd’hui. Cette année j’ai réalisé pour la première fois tous mes objectifs, surtout celui de connaitre mes limites.maintenant que je les connais, je ne vais plus accepter de supporter la même pression. Conséquence: les objectifs de la prochaine saison vont être revus à la baisse
Tu montres régulièrement des recettes de salades à base de fleurs et plantes sauvages. Est-ce que consommer les produits naturels implique un palais plus ouvert à l’amertume ou au piquant, par exemple, dans un monde de roquette qui pique pas en sachet et de vinaigrette sucrée blindée de produits chimiques ? Est-ce que tu accèdes à des souvenirs de gens en fonction de terroirs. Par exemple la primevère, c’est typique d’une région ?
Je ne montre pas que des assiettes de salades agrémentées de fleurs et plantes sauvages. Je montre surtout la diversité dans mon assiette de légumes. En fait je montre tout ce que je consomme issu de mon jardin.
N’est-ce pas un paradoxe de pouvoir facilement accéder à tous les savoirs sur un smartphone tout en piétinant de bonnes choses dans l’herbe, et en continuant de participer à une destruction lente et cynique ? Les enjeux de la biodiversité ne sont-ils pas autour d’une guerre de l’information ?
Le smartphone n’a sa place au jardin qu’en temps qu’appareil photo. Si quelque fois il est dans ma poche, c’est parce qu’il sert de sonnette lorsque j’attends un visiteur. Comme je l’utilises en wi-fi, je dois entrer dans le cellier lorsque j’ai besoin de lui pour compenser ma mémoire défaillante .
Au final, tu aimerais former plus de jeunes à tes disciplines et à ta philosophie ? Au delà de la biodiversité, que retirer de l’expérience sociale autour du don et troc de graines ?
Depuis 2004 j’ai consacré du temps aux jardiniers du cercle des fontaines, militant les premiers temps pour un jardin plus naturel. Maintenant je me contente de leur donner moins de 1% de mes graines mais de nombreux godets grâce au drive que j’ai mis en place en mars l’an dernier.
Comme chez Libertoo on aime bien faire des miracles, quelles seraient les graines qui te manquent, et charge à nos lecteurs de t’en proposer ? 🙂
Parce que je me contente de ce que j’ai, je n’échange pas. De temps en temps on me fait cadeau de graines en reconnaissance de mes dons. C’est ainsi qu’un paresseux m’a offert un sachet d’Artemisia annua. un autre de
arditroc 10 variétés de tomates, etc…